Introduction : Un héritage de méfiance et de stigmatisation

L’héritage colonial a laissé une empreinte durable sur la manière dont les communautés noires perçoivent la santé mentale. Dans de nombreux pays, l’accès à la santé mentale est encore perçu comme une question secondaire, en raison d’une histoire marquée par la marginalisation, les abus, et la domination culturelle. Cette perception est renforcée par des croyances culturelles et une méfiance vis-à-vis des institutions, associées aux stigmates liés aux troubles mentaux.

“Chez nous, on ne parle pas de dépression. On croit que c’est un signe de faiblesse ou une mauvaise influence spirituelle,” confie Jeanne, 36 ans, d’origine congolaise. “L’histoire nous a appris à être forts, même si cela signifie souffrir en silence.”

Les conséquences de l’héritage colonial sur la perception de la santé mentale

  1. Influence des croyances culturelles et spirituelles
    Dans de nombreuses communautés noires, la santé mentale est souvent interprétée à travers un prisme spirituel. Les troubles psychologiques peuvent être vus comme des manifestations de forces spirituelles ou des malédictions, et l’idée de consulter un thérapeute est perçue comme une intrusion dans l’intimité culturelle et spirituelle.Au Nigeria, par exemple, des troubles comme la dépression sont parfois expliqués comme une conséquence de mauvais esprits ou de sorcellerie. “Les gens préfèrent consulter un guérisseur ou un chef spirituel avant de voir un psychologue,” explique Seyi, un travailleur social basé à Lagos. Cette perception freine le recours aux soins de santé mentale et renforce les stigmatisations.
  2. La méfiance envers les institutions de santé mentale
    Les systèmes de santé dans de nombreux pays africains et dans la diaspora noire ont été influencés par les structures coloniales, créant une méfiance profonde envers les institutions. Cette méfiance, alimentée par des décennies de marginalisation et de traitements discriminatoires, persiste aujourd’hui, amenant les communautés noires à éviter les soins de santé mentale ou à les aborder avec scepticisme.“Mon grand-père me disait que les hôpitaux n’étaient pas pour nous, qu’on devait se débrouiller avec ce qu’on avait,” raconte James, un médecin d’origine ghanéenne basé au Royaume-Uni. “Cette mentalité persiste encore dans notre communauté.” Cette méfiance historique rend difficile la création de liens de confiance entre les patients et les praticiens.
  3. Stigmatisation de la santé mentale comme héritage de la colonisation
    Dans de nombreux contextes coloniaux, la santé mentale a souvent été utilisée pour discriminer et marginaliser les populations noires. Les Européens, lors de la période coloniale, ont souvent stigmatisé les comportements des peuples colonisés, renforçant l’idée que les troubles mentaux sont une faiblesse ou une déviance. Ce stigmate continue de peser lourdement dans certaines communautés, où la santé mentale est un sujet tabou.En Afrique du Sud, l’héritage de l’apartheid a laissé des séquelles psychologiques profondes. “L’idée que les troubles mentaux sont honteux est ancrée dans l’esprit de beaucoup de gens,” explique Zanele, une psychologue basée à Johannesburg. “Les gens hésitent encore à chercher de l’aide, de peur d’être jugés.”

Solutions et perspectives pour surmonter les impacts de l’héritage colonial

  1. Sensibilisation et adaptation des soins culturels
    Il est essentiel de sensibiliser la communauté noire aux bienfaits de la santé mentale en adaptant les soins aux spécificités culturelles. Des initiatives comme le projet Ubuntu Counseling au Kenya offrent des services de santé mentale en tenant compte des traditions culturelles et en intégrant des pratiques locales de guérison.
  2. Formation des praticiens à l’histoire coloniale et à la diversité culturelle
    Pour favoriser des soins de santé mentale inclusifs, les praticiens doivent être formés aux sensibilités culturelles et à l’impact de l’histoire coloniale. Des programmes de formation spécialisés sont en place dans certains pays pour éduquer les thérapeutes sur les enjeux liés à la diversité et à l’interculturalité, facilitant ainsi une prise en charge plus empathique.
  3. Créer des espaces sécurisés pour parler de santé mentale
    Les groupes de soutien et les ateliers communautaires créent des espaces où les individus peuvent exprimer leurs préoccupations sans crainte de jugement. En France, des organisations comme Afrique et Santé organisent des cercles de parole où les personnes noires peuvent discuter de la santé mentale et briser les tabous associés.

Vers une prise en charge inclusive et décolonisée de la santé mentale

L’héritage colonial influence encore fortement la perception de la santé mentale dans les communautés noires. Pour briser ces barrières, il est crucial de sensibiliser aux bienfaits des soins de santé mentale et de proposer des services adaptés aux spécificités culturelles. Un système de santé inclusif et décolonisé est une étape nécessaire pour promouvoir le bien-être des communautés noires dans le monde entier.

Les professionnels de santé mentale, les gouvernements et les organisations communautaires doivent s’unir pour bâtir un système de santé mental qui prend en compte l’histoire, les valeurs et les besoins spécifiques des communautés noires. En valorisant l’inclusivité et l’adaptation culturelle, nous pourrons progresser vers un avenir plus sain et plus juste.

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