Denis Mukwege : l’homme et la mission derrière Muganga, “celui qui soigne”
Alors que le film Muganga – Celui qui soigne bouleverse les festivals et les consciences, c’est l’histoire d’un homme et d’une association qui revient sur le devant de la scène : le docteur Denis Mukwege et la Fondation Panzi.
Bien au-delà du cinéma, cette œuvre réveille un combat bien réel : celui pour la dignité, la santé et la justice des femmes victimes de violences dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Un médecin debout au milieu du chaos
Denis Mukwege est né en 1955 à Bukavu, dans l’Est de la RDC. Fils de pasteur, il découvre très jeune la détresse des femmes privées d’accès aux soins. Après des études de médecine, il choisit la gynécologie : « Je voulais que plus jamais une femme ne meure en donnant la vie », confiait-il lors d’un discours à Oslo, en recevant le prix Nobel de la paix en 2018.
En 1999, il fonde l’Hôpital de Panzi à Bukavu. Mais la guerre déchire le pays. Dans cette région minière où les milices se disputent le coltan et l’or, les corps des femmes deviennent un champ de bataille. Mukwege et son équipe accueillent alors les premières survivantes de viols de guerre.
Ce qui devait être une maternité devient un sanctuaire. Jour après jour, le “docteur des femmes” soigne, répare, écoute.
Mais il ne s’arrête pas là : il parle, dénonce, et réclame justice. Son engagement lui vaut plusieurs tentatives d’assassinat et l’exil temporaire. Il reviendra pourtant, « parce que les femmes de Panzi m’attendaient ».
Muganga : une fiction au service de la réalité
Le film Muganga, réalisé par Marie-Hélène Roux, met en lumière cette humanité courageuse.
“Muganga” signifie en swahili « celui qui soigne ». À travers la relation entre Mukwege et le chirurgien belge Guy-Bernard Cadière, le film raconte la rencontre de deux mondes : celui de la médecine de terrain et celui de la médecine occidentale.
Mais l’œuvre ne se limite pas à raconter un destin exceptionnel : elle questionne la responsabilité du soin, la solidarité entre les peuples, et le pouvoir de la médecine quand elle devient un acte politique.
À l’écran comme dans la vie, Mukwege n’est pas un héros solitaire. Derrière lui, une organisation œuvre sans relâche : la Fondation Panzi, véritable pilier de reconstruction pour des milliers de survivantes.
Panzi : l’hôpital qui soigne et reconstruit
Créée dans la continuité de l’hôpital du même nom, la Fondation Panzi prolonge la vision de Mukwege : soigner le corps, mais aussi l’âme et la société.
Son modèle repose sur quatre piliers essentiels :
- Le soin médical – chirurgie réparatrice, suivi obstétrical, traitement des blessures physiques.
- Le soutien psychologique – écoute, accompagnement, reconstruction identitaire après le traumatisme.
- L’assistance juridique – aide aux procédures, plaidoyer pour la reconnaissance du viol comme arme de guerre.
- L’autonomisation socio-économique – formation, microcrédit, réinsertion des survivantes dans la vie active.
Depuis sa création, plus de 80 000 femmes ont été soignées à Panzi. Des équipes mobiles sillonnent les collines du Sud-Kivu pour atteindre les villages isolés.
À travers la Fondation Mukwege (basée à l’international), le message s’étend désormais : la lutte contre les violences sexuelles n’est pas qu’une affaire congolaise, c’est un combat global pour les droits humains et la santé des femmes.
Un message universel de santé et de dignité
Dans le contexte actuel, où la santé mentale et les traumatismes liés aux violences de guerre ou à la migration restent largement tabous, le combat de Mukwege résonne avec celui porté par des structures comme AfroSanté.
Car guérir ne se limite pas à “réparer” : c’est aussi écouter, comprendre, rendre la parole à ceux et celles qu’on a voulu faire taire.
Denis Mukwege, à travers Panzi, a montré qu’il est possible d’allier la médecine, la foi et la justice pour reconstruire les vies détruites.
Le film Muganga nous le rappelle avec force : le soin est un acte de résistance.
Au-delà du film, un appel à l’action
En remettant Denis Mukwege et la Fondation Panzi sous les projecteurs, Muganga invite à un engagement concret :
soutenir les structures de santé locales, défendre la santé mentale comme une priorité, et briser le silence autour des violences faites aux femmes.
Le “docteur des femmes” n’a jamais cherché la gloire.
Il continue de répéter :
« On ne répare pas un corps sans réparer une société. »
Son message, aujourd’hui plus que jamais, résonne bien au-delà du Congo : soigner, c’est aussi rendre la dignité.



